Le Plateau de Millevaches est souvent définit dans les brochures touristiques par l'eau, l'herbe et l'arbre.
Cette vision correspond en effet au paysage que l'on rencontre actuellement.
Ce qui n'a pas été toujours le cas puisque au début du siècle dernier, les ruraux se chauffaient à la tourbe tant le bois était rare.
Ainsi le paysage change sous l'influence de l'homme.
L'archéologie du paysage contribue à révéler les
différentes phases de l'occupation
humaine du Plateau.


      L'étymologie du mot Millevaches est encore aujourd'hui controversée .L'origine la plus vraisemblable, donnée par Albert Dauzat, serait la formation du mot par le phonème gaulois, melo, signifiant " lieu élevé" et l'adjectif latin vacua (vide,abandonné ). L'idée d'un haut plateau faiblement habité serait ainsi représentée. Etymologie tenue pour plus vraisemblable que celle des "mille sources" ( mille batz ) .
Mais on peut préférer l'explication poétique et légendaire des "mille vaches" .Une bergère mal inspirée aurait donné au diable ces mille vaches rendues indociles par l'orage, qui les aurait, l'une après l'autre, transformées en rochers .

De la bruyère à la forêt...

    Il suffit d'examiner la carte de Cassini, éditée à la fin du XVIIIe siècle, pour vérifier le très petit nombre de bois et de forêts et l'extension considérable des landes à bruyère, qui couvraient tous les sommets. Rappelons brièvement quelle fut, jusqu'à la Première Guerre mondiale au moins, l'organisation habituelle de l'espace rural sur les hauts plateaux : la périphérie des terroirs villageois, celle des cloisons qui séparent les alvéoles, étaient couvertes de bruyères pacagées par les moutons et fauchées pour la litière ; ces terrains de parcours ovins étaient la propriété collective des habitants résidents dans les villages voisins. En contrebas des cloisons, des replats accueillaient l' habitat permanent et les labours ; ils étaient partagés en de nombreuses petites propriétés individuelles . Les fonds des alvéoles, mouillés et tourbeux, étaient utilisées pour le pacage des bovins et, comme les cloisons, étaient propriétés indivises. Quelques rares bois taillis étaient localisés sur les fortes pentes, tandis que les haies de noisetiers, de frênes, de chênes et de merisiers approvisionnaient les villageois en bois d'oeuvre et en fruits. Quelques châtaigneraies étaient implantées sur les croupes ensoleillées. Or ce schéma classique est aujourd'hui défunt. Les éléments du paysage sont presque totalement inversés : aux landes à bruyères ont succédés des enrésinements intensifs ou des prairies artificielles ; les labours des replats ont été couchés en herbe ; la déprise agricole a multiplié friches et taillis de feuillus. Certains bons terroirs de culture sont de nos jours quasiment étouffés par les conifères. (Source : guide Chamina sur le Plateau de Millevaches)

 

Panorama géologique...

La région de Millevaches fait partie d'un socle cristallin essentiellement constitué de granites. Ces granites ont un âge qui s'étage de 400 millions à 300 millions d'années. Ils sont associés à des roches métamorphiques plus anciennes - 400 à 500 Ma - qui sont schisteuses. Notons enfin la présence de petits bassins houillers en liaison avec les grandes failles.

  Elles sont de nature et de texture diverses, à grain fin, moyen ou grossier; isogranulaires ou renfermant parfois des cristaux plus grands que les autres: quartz globulaires ou grands feldspaths "en dent de cheval" (granite porphyroïde). Essentiellement constitués de quartz, feldspath et biotite (mica noir), les granites peuvent aussi renfermer de la muscovite (mica blanc). Si celle-ci est abondante et le granite clair (leucocrate) en raison de sa richesse en feldspath, on parle alors de leucogranite. Sur le plan géologique, le plateau de Millevaches proprement dit est une longue et large bande de leucogranites (la) et de granites orientés (Ib) s'étendant depuis Janaillat au nord de Bourganeuf jusque dans la région d'Argentat au sud. Cet ensemble est bordé à l'ouest par une importante fracture du socle appelée "Faille d'Argentat" (FA).
Structuré lors de l'orogenèse hercynienne (300 Ma), ce haut rempart du Massif central a depuis subi une longue érosion -sur plus de 1 000 rn d'épaisseur -le ramenant à un haut plateau de landes et de forêts aux formes molles: l'altitude moyenne actuelle se situe autour de 700 m Le socle y est altéré en surface, le plus souvent sur plusieurs mètres d'épaisseur, en une arène perméable qui en fait un formidable château d'eau, donnant naissance à de nombreuses rivières, dont les principales sont le Taurion, la Vienne, la Vézère et la Corrèze.

(Source : guide Chamina sur le Plateau de Millevaches)




Des migrations séculaires...

             Sans qu'on puisse avec certitude enrpréciser la naissance, la fin du Moyen Age sans doute pour les maçons et les tailleurs de pierre, les migrations ont concerné l'ensemble de la population du Plateau.


Les raisons du départ

La pression démographique conduisait la Population à quitter le Plateau, compte tenu de la médiocrité des ressources alimentaires : le seigle, le sarrasin, les pommes de terre ont suppléé tardivement le manque de châtaignes. De cette situation, les causes étaient multiples : pauvreté du sol, rigueur du climat, faible étendue des cultures, aggravée par la pratique de la jachère, difficultés pour écouler vers les grandes villes les produits de l'élevage. Aussi vivait-on presque en autarcie. Le numéraire faisait défaut pour acquitter les dépenses indispensables, lorsqu'il fallait payer les impôts ou lorsque l'héritier du domaine devait dédommager ses frères et soeurs.

Maçon et tailleurs de pierre

Le "limousinage", dit le Littré, est un ouvrage de maçonnerie fait avec des moellons et du mortier. On le voit, le langage reflète l'assimilation, abusivement répandue, de l'émigration limousine avec celle des ouvriers du bâtiment. Certes, sur le plateau de Millevaches, maçons et tailleurs de pierre, "hirondelles blanches" qui délaissaient leurs chaumières pendant les "longs jours", de mars à décembre, se rencontraient dans tous les cantons, mais sans être partout majoritaires. Par exemple, dans celui de La Courtine, ils ne représentaient en 1846 que 5 % des migrants. Et que dire des cantons corréziens ! contrairementà ceux du reste de la Creuse et de la basse Marche, c'est vers Lyon surtout que ceux du Plateau se dirigeaient ; des bandes, constituées au départ de parents et de voisins, grossissaient en chemin jusqu'à compter plusieurs dizaines d'ïndividus. A Noirétable, après trois jours de marche, une dislocation s'opérait: certains abandonnaient les "Lyonnais" pour gagner la Côte-d'Or ou la région stéphanoise. Sur le Plateau, peu de maçons partaient pour Paris ; les autres les enviaient pour leur meilleur salaire et les dénigraient, leur reprochant de bâcler le travail et de mener une vie dissolue.

Scieurs de long

Si le milieu naturel tend à justifier l'orientation des paysans du haut Limousin vers les métiers de la pierre, comment expliquer que, au début du XIXe siècle, dans la Corrèze et sur Eymoutiers, le plus grand nombre ait choisi celui de scieur de long ? En 1934 encore, Jean Gautier, archiviste â Guéret, dépeint ainsi le paysage par temps couvert : "C'est le royaume de la bruyère. Elle tapisse les crêtes usées qui bornent l'horizon et les marécages où jaillissent les sources, où courent les innombrables ruisseaux. Les fougères, les genêts, les genévriers ont aussi leur place dans cette triste et monotone végétation." Les arbres ? Des hêtres en rangées le long des principales routes ou en bouquets ombrageant les hameaux. A la différence des travailleurs du bâtiment, les scieurs de long quittent leur famille pendant la mauvaise saison, quand les activités agricoles sont réduites. Le plus souvent, ils partent le 8 septembre pour la fête de Notre-Dame et ne reviennent qu'en juin, â la Saint-Jean. Ils s'en vont dans le Bourbonnais, mais surtout dans les Landes ou sur la côte atlantique. Les plus habiles à manier la hache, les "équarrisseurs de la marine", façonnent les pièces cintrées des membrures ; quelques-uns gagnent le Quercy. Tous portent un large chapeau de feutre protégeant le "renard" de la sciure tombant de la "chèvre".
Quand les "sitaires" travaillaient en forêt, ils couchaient dans une loge de branchages et se nourrissaient principalement de pain et de soupe au lard. Vrai ou faux, on prétend que, par souci d'économie, des équipes remplaçaient le lard par quelques gouttes d'huile aspergées dans le bouillon au moyen d'un épi. Gagnant moins mais dépensant peu, ils rapportaient au pays un pécule supérieur à celui des maçons. A l'âge de 18 ans, les manoeuvres du bâtiment, les "goujats", suffisamment robustes, affirme le maire de Gioux en 1846, préféraient devenir scieurs.

La fin de la migration annuelle

Quand, en 1900, Noémie Chaslus fit ériger, dominant Gentioux, sa commune de naissance, la statue géante de Notre Dame du Bâtiment, qui devait être l'aboutissement d'une procession à la veille du départ des maçons, son initiative connut un êchec tant par la déchristianisation régnante que par le dépérissement de la migration annuelle, la femme suivant désormais son mari sur le lieu de travail. Bien avant, avaient disparu les peigneurs de chanvre, victimes du développement de l'industrie cotonnière. Quant aux scieurs de long, victorieusement concurrencés par les scieries utilisant la force motrice d'une locomobile, ils se convertirent, à partir de 1870, à d'autres métiers. Ceux d'Eymoutiers et des environs se firent maçons ou tailleurs de pierre; ceux des cantons de Meymac, Bugeat, sornac et, à un degré moindre, d'Ussel, d'Eygurande et de La Courtine, se souvenant de leur enfance paysanne, devinrent cochers de fiacre, puis, plus tard, avec l'avènement de l'automobile, chauffeurs de taxi, et trouvèrent en Eugéne Fiancette ( 1881-1949) un ardent défenseur des intérêts de leur corporation. Beaucoup, ayant débuté salariés d'une compagnie, parvinrent par la suite à se mettre à leur compte. C'est à la même époque qu'apparurent les voyageurs exerçant une activité commerciale.
A l'exemple de Jean Gaye Bordas (1826-1900), les Meymacois parcoururent le Nord et la Belgique pour y vendre les vins de Bordeaux. Leur réussite ostentatoire élargit leur aire de recrutement sur sornac et Égletons. De même, les "marchands de toile" bortois, faisant du porte-â-porte accompagnés de leur femme, trouvèrent des émules dans le canton d'Ussel. De nos jours, seules ces dernières catégories de migrants subsistent, mais leur effectif va s'amenuisant.
(Source : guide Chamina sur le Plateau de Millevaches)